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Procédure pénale et qualité de partie dans une situation d'amiante

Dans un arrêt rendu le 29 février 2024 (Décision/2024/268), le Tribunal cantonal vaudois a dû conjuguer procédure pénale, qualité de partie et situation d'amiante. En effet, les recourants contestaient l'appréciation du Ministère public qui refusait la qualité de partie à deux ouvriers, lesquels avaient déposé plainte singulièrement en raison d'une exposition à l'amiante.

Pour répondre à cette interrogation, les juges cantonaux ont en particulier convoqué les dispositions suivantes : art. 115, 116 et 118 CPP ; art. 82 LAA ; art. 3 à 10 OPA ; art. 559 LTr ; art. 112 LAA ; art. 123, 127 et 230 CP.

Les principaux risques pour la santé associés à l'exposition à l'amiante sont le développement de fibroses (asbestose, lésions pleurales) et de cancers (essentiellement carcinome bronchique et mésothéliome). Le risque de développement d'une maladie en raison d'une exposition à l'amiante dépend en particulier de l'intensité et de la durée d'exposition. Le temps de latence avant l'apparition de la maladie est important et peut s'étendre sur plusieurs décennies, soit jusqu'à 40 ans et plus.

Dans le cas d'espèce, l’instruction, laquelle se poursuit, montre que, durant leur activité sur ce chantier, les ouvriers ont travaillé sur des coupe-feux, dans lesquels de l’amiante a été découverte. Des travaux de désamiantage ont par la suite été entrepris sans que les travaux de rénovation soient interrompus. La SUVA s’est rendue sur le chantier et a constaté plusieurs carences au regard des dispositions en matière de protection des travailleurs, ce que l'entreprise en charge des travaux a contesté. Les travailleurs ont été interrogés ; ils ont déclaré qu’ils n'avaient développé aucune maladie après leur activité et qu’ils n’avaient pas consulté de médecin ; ils ont ajouté qu’ils étaient stressés car ils devaient vivre avec « la menace perpétuelle de développement d’une maladie professionnelle causée par l’inhalation de fibre d’amiante, inquiétude qui causait une atteinte à leur intégrité psychique ». 

L’instruction établira si les diverses normes protégeant la santé des travailleurs ont été violées. Toutefois, à supposer que ce soit le cas, pour se constituer parties plaignantes, les recourants doivent rendre vraisemblable un préjudice et le lien de causalité entre ce préjudice et l’infraction dénoncée, même si les éléments définissant précisément les conclusions civiles peuvent encore être présentés ultérieurement. Or, dans la mesure où les recourants n’ont à ce jour subi aucune atteinte à leur santé en lien avec l’exposition à l’amiante, on se trouve dans la situation où il n’y a aucun préjudice, si ce n’est hypothétique. Cela signifie que seule une atteinte potentielle, future et non concrète aux droits des recourants peut être envisagée. Et selon les juges cantonaux, ce constat scelle le sort des griefs des ouvriers en ce sens qu’ils ne peuvent à ce stade pas démontrer, en l’absence de la survenance d’un résultat dommageable, la réalisation d’infractions leur portant atteinte.

Procédure pénale et qualité de partie dans une situation d'amiante
BRENCI Alessandro 16 août 2024
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